2e jour - Interview de Maria Sharapova lundi 25 mai 2009
M.SHARAPOVA/A.YAKIMOVA : 3/6 6/1 6/2
Q. Maria, êtes-vous encouragée par votre performance aujourd'hui ?
R. J'ai plutôt mal commencé, et sur certains points de break, je ne faisais pas ce qu'il fallait faire. Elle a très bien joué, bien retourné. J'étais un peu brouillonne.
Et puis, j'ai réussi à renverser la situation. J'ai commencé à servir beaucoup mieux, de façon beaucoup plus agressive. C'est le match qui s'est totalement modifié au deuxième set.
Q. Vous êtes forcément dans une situation différente cette année par rapport à l'année dernière, quand vous étiez encore numéro 1. Pouvez-vous nous expliquer vos sensations ?
R. C'est totalement différent, mais je vis aussi un moment différent dans ma carrière.J'ai joué quelques tournois depuis la dernière fois que j'ai joué ici. Je n'ai joué que deux tournois depuis. Je n'ai donc pas autant de matchs dans ma raquette que l'année dernière où, en commençant ce tournoi, j'étais numéro 1,et avais remporté quelques titres. Je jouais vraiment bien. C'est vrai que cette année, c'est tout à fait différent.
Q. Vous étiez numéro 1, vous vous retrouvez numéro28. Qu'est-ce que cela fait ?
R. Vous savez, à ce moment de ma carrière, cela ne change pas ma façon de voir ou de penser les choses. Beaucoup de filles qui sont dans le top 10, je les jouais au premier,au deuxième tour, quand moi j'étais entre numéro 1 et numéro 5.
Les choses ont maintenant un peu changé, mais j'ai vraiment décidé de ne pas me préoccuper de qui était de l'autre côté du filet.
Je sais qu'il faut que je rentre sur le court, que je me batte, et que j'essaie de gagner le match.
Q. Maria, le service est ton point fort. Que dirais-tu de ton service aujourd'hui, en début et en fin de match ?
R. C'est intéressant, parce que l'on est tout de même sur terre battue. Je n'ai jamais réussi à faire 20 aces dans un seul match, mais j'ai toujours été une vraie serveuse, une serveuse solide. Pour moi, l'important est d'avoir un bon pourcentage de premières balles, de marquer le point, d’avoir de bons retours.C'est sur cela que je travaille ici. Je sais que je ne vais pas réussir à marquer 15 aces d'un seul coup.
Q. (Hors micro.) Vous aviez des anticipations sur ce premier tour, vous étiez sur un tournoi du Grand Chelem, vous deviez avoir quelques attentes ?
R. Non, je n'ai pas vraiment d'attente. C'est la première fois de ma carrière que je peux dire en toute vérité que je n'ai pas d'attente.
On verra comment les choses tourneront. Je ne sais ce qui se passera demain, ni si ma douleur dans l'épaule va se réveiller. Cela fait longtemps que je n'ai pas joué de tournois, c'est un effort important pour mon corps, pour mon épaule.
Pour moi, l’important est d'être de retour. C'est ça l'important pour moi, à l'heure actuelle. Cela a été dur de revenir. Il y a tellement de choses à faire pour gagner un match...Vous savez, en bout de course, l'important est de se concentrer sur soi-même,sur ce que l'on fait bien. D'un autre côté, je n'ai pas envie d'entrer sur un court et de faire beaucoup de fautes. J'ai eu quelques hésitations aujourd'hui,qui m'ont forcée à faire plus d'erreurs.
Q. Cela fait près d'un an que vous n'avez pas joué un tournoi comme celui-ci.
R. C'est la première fois de ma vie que je n'ai pas touché une raquette de tennis pendant une durée aussi longue, à savoir trois mois. On se sent bizarre. Mais étonnamment, les choses reviennent, même si c'est un gros stress, parce que vous vous dites : « Mon Dieu, vais-je avoir une chance de retourner sur un court, de pouvoir jouer ? »
Il faut d'un autre côté rester positive... Mais ne vous méprenez pas, il y a beaucoup de jours où j'essaie de faire de mon mieux, où il y a tellement d'opinions,tellement de voix que j'entends... A un moment, il faut bien prendre des décisions. Je suis très reconnaissante, j'ai une équipe formidable autour de moi, qui m'a soutenue, qui m'a aidée à prendre les bonnes décisions, les bonnes voies, les bons chemins.
Q. Que disent les médecins, à propos de votre épaule, pour le long terme ? Espérez-vous récupérer à 100 % ?
R. Les médecins sont confiants, ils disent que cela devrait aller.
Q. Maria, vous nous avez dit combien vous aviez de la chance, mais avez-vous pris le temps de réfléchir à cette vie extraordinaire que vous avez vécue, au fait que, peut-être, cela ne reviendrait pas ?
R. Oui,absolument, chaque jour, chaque jour... ! Peu importe où j’étais...Certains d'entre vous pensent que j'étais à la maison pendant neuf mois.J'ai passé pas mal de temps en Arizona, je n'étais pas vraiment à la maison,mais j'ai pu vivre une vie normale.
Quand vous voyagez 11 mois par an, vous avez toujours une valise, sans pouvoir développer les relations que vous avez envie de développer dans la vie. Vous pensez à votre famille, aux gens qui vous aident, aux gens qui vous donnent des vibrations positives jour après jour. Vous réfléchissez à toutes les chances que vous avez eues dans la vie grâce à votre carrière de joueuse de tennis.
Le tennis, ma carrière, le fait d'aller sur les courts, tout cela, c'est le moteur de tout ce que je suis, de ma personne, de ce que je fais dans la vie, de mon métier. Tout à coup, on s'en rend compte. Quand vous avez du temps, vous vous dites,« Zut, cela me manque, j'ai envie d’y être ! » Vous repensez à ces heures où vous étiez dans les vestiaires, où vous vous habilliez,échauffiez... Vous savez que vous allez sortir devant 20 000 personnes.Oui, ça vous manque. Moi, cela m’a manqué !
Q. Y a-t-il un conseil que l'on vous a donné durant toute cette période ? Quel a été le meilleur conseil que l'on vous ait donné durant cette période ?
R. J'ai eu beaucoup de conseils... Beaucoup ! Je suis reconnaissante que l'on m’ait donné ces conseils, mais l'une des choses que l'on m'a dite et l'une des choses dont je me suis rendu compte, dès le départ, c'est que ça allait prendre du temps.
En tant que sportive, j'ai essayé d'anticiper que mon comeback et souvent, j'ai dit « je vais revenir, je serai de retour en Australie, dans quelques semaines... Et puis, déception après déception, parce que je n'ai pas pu atteindre cet objectif, et c'est à ce moment-là que vous commencez à sentir la frustration et c'est à ce moment-là que de nombreuses personnes se disent : « Bon, elle va être opérée et tout ira très bien. » Mais en fait, il y a beaucoup de travail après. Il a non seulement fallu que je rétablisse mon épaule, il a fallu que je récupère de l'opération chirurgicale, mais aussi que je retourne sur le court, que je m'entraîne, que je travaille pour me battre.
Q. Vous allez jouer contre Petrova ?
R. J’ai pas mal joué contre elle. J'ai remporté pas mal de matchs. Je ne l'ai pas vu jouer depuis un petit moment. Je ne sais pas... Je sais qu'elle joue bien, mais mon entraîneur, mon coach a regardé son match et va m'en parler. Je sais qu'elle a un service très agressif, un jeu très fort. Mais, pour moi, c'est encore une chance de jouer demain, ou plutôt après-demain !
Q. Heureuses de vous voir de retour !
R. Merci, je transpire comme pas possible, mais je suis heureuse d'être là moi aussi !
Q. C'est le deuxième acte de votre carrière. Vous avez eu le temps de réfléchir à certaines choses. Y a-t-il des choses que vous allez aborder différemment ?
R. Oui, mes défaites, parce que j'aime me battre, et une défaite, c'est toujours difficile à prendre, même si vous faites bonne figure... C'est toujours difficile à accepter. Après être passé par toutes ces épreuves, avec mon épaule, je pense que je ne serais plus aussi émotive par rapport à mes défaites.
Q. Vous pensez pouvoir les oublier plus rapidement ?
R. Non, je pense avoir plus de perspectives par rapport à tout cela. J'ai toujours essayé de prendre du recul, mais j'aime la compétition, et tout le monde veut être sur le tableau final... Tout le monde veut gagner.
C'est pourquoi les choses sont passionnantes, parce que seule une personne gagne le tournoi,et on a toutes envie d'être cette personne-là. Quand vous ne l'êtes pas, vous réfléchissez à comment faire pour le devenir.
Q. Vous savez que l'adjectif combatif est pratiquement attaché à votre nom...! Cela vous a-t-il aidée dans cette épreuve d'être combattante ?
R. Oui, si j'avais été faible en tant que personne, je ne serais pas là devant vous aujourd'hui, je pense que je me serais retirée sur une île déserte... C'est sans doute plutôt sympa pour moi, sympa pour vous... Vous imaginez, traîner autour de la piscine, avec une Pina Colada... Mais j'adore être ici !
Il n'y a pas pour moi de sensation qui puisse égaler celle que je ressens quand je rentre sur un court, avec tout le public qui crie votre nom... Quand vous savez que vous avez un boulot à faire, et savoir aujourd'hui que j'ai la possibilité de sortir faire mon métier, c'est génial !
Q. J'aimerais revenir sur un point technique, mais sur votre service. Vous avez travaillé sur un nouveau geste de service, pouvez-vous nous en dire deux mots, et nous dire quels sont les réglages que vous avez dû opérer sur ce service ?
R. En fait, il faut que je fasse tout ce que je peux pour épargner mon épaule. Je n'ai pas un horizon à six mois simplement, j'ai un horizon beaucoup plus long.
Je veux continuer à jouer au tennis aussi longtemps que mon corps me le permettra. Il y a eu des modifications, et je modifie tout ce que je dois modifier, petites ou grandes modifications, tout ce que je peux modifier pour soulager mon épaule, je le ferai.
Vous savez, dans ma carrière, j'ai déjà réussi des choses bien au-delà de ce que je pensais pouvoir faire quand j'étais enfant.
Si je peux opérer ces petits changements qui vont soulager mon corps, alors je continuerai à les opérer.